Cliquez ici pour revenir à la page principale


YOL de Yilmaz Güney

Dans Yol, j’ai voulu montrer comment toute la Turquie était devenue une immense prison semi-ouverte. Tous les citoyens y sont détenus. Yilmaz Guney

Enfermés dans une île pénitentiaire, cinq hommes bénéficient d’une permission qui ouvre les portes de leur réclusion, pour les faire passer dans un espace et un temps qu’ils ont fébrilement désirés : une semaine dans leur ville ou leur village auprès de leur fiancée, femme, enfants...

Hâtifs, obstinés, ils n’ont qu’une idée fixe qui les pousse vers l’avant : rattraper le temps perdu, résoudre leurs problèmes en suspens, bref, reprendre la corde qui les rattache à la vie, la leur, s’imaginent ils.

Les cinq récits entrecroisés mettent en effet en scène l’échec des rêves de chacun, avec pour seul point commun une atmosphère sourde, plombée, une douleur aussi lancinante que le mouvement du train qui relie entre elles les différentes histoires.

Dans YOL (le chemin) , c’est l’atmosphère qui exprime le sens, et non pas l’intrigue, qui est morcelée.

C’est pourquoi le principe de l’unité du film, l’idée d’enfermement, est diffus mais directement visible. C’est quelque chose qui colle à la peau des personnages et qui suinte de leur environnement.

null

L’emploi des symboles, les expressions figées de la plupart des personnages, les différents cadrages concourent à imposer cette atmosphère-vérité : l’enferment est une présence constante, totale et qui ne se manifeste vraiment que lorsqu’on pense s’en être affranchi.

En effet, une fois sortie de prison, chacun entrera dans une autre prison, plus vaste, dont les murs ne sont pas tous de pierre et qui ne sont pas à l’extérieur de soi. Yusuf, le plus jeune des permissionnaires, est arrêté lors d’une de ces innombrables vérifications d’identité auxquelles les militaires qui quadrillent le pays soumettent le population- situation tellement banale que le tournage des scènes de contrôle passe inaperçu, échappant ainsi à la censure.

Parce qu’il a égaré sa feuille de route, Yusuf passe sa semaine de permission en cellule, rêvant interminablement devant la photo de sa jeune épouse, à qui il comptait offrir un oiseau en cage. Yusuf s’accroche convulsivement à l’image de ce qui lui est refusé, sa sphère privée. Il nourrit une évasion psychique, imaginaire, en réaction à son enfermement physique, et se barricade petit à petit dans son hébétude, un semi-autisme.

null

Mevlüt (Hikmet Celik) ne parvient jamais à rencontrer seule sa fiancée, bien qu’elle lui soit officiellement promise.

Cependant, s’il est lui aussi en un sens la victime des contraintes et des interdits de la société patriarcale, il en est surtout le complice, l’agent.

Dans une séquence assez féroce, Mevlüt, pourtant exaspéré par la présence des deux duègnes voilées de noir qui s’accrochent à ses pas, fait jurer à sa future épouse de lui obéir en tout et, surtout, de ne jamais adresser la parole à un homme qui n’appartient pas à sa famille. Ce discours arrache à la jeune fille silencieuse une exclamation admirative, pour le moins inattendue : " Comme tu parles bien ! "

Mevlüt s’agace des deux petites vieilles, mais pourtant il ne les rejette pas, car même si cette surveillance l’ennuie profondément, il accepte globalement la situation, il s’en accommode pour se retrouver en paix avec la société.

La " petite " domination qu’il inflige est en effet le moyen pour la société d’acheter son oubli pour les " grandes " qu’il subit. La fiancée, quant à elle, doit se prêter au jeu de la femme soumise parce que sans cela, elle n’obtiendra pas le mari, ni la considération qu’elle souhaite pour elle-même.

L’ironie de la situation est donc assez profonde, car les deux amants sont au fond sincères : leur union est tout pour eux et ils feront tout pour cela.

Or " tout faire " revient précisément à accepter le mariage, ce mode de vie, ou plutôt cette institution, où l’amour à égalité n’aucune place. Ici donc, comme toujours dans l’aliénation, le faux recouvre le vrai et l’attaque.

Seyit Ali (Tarik Akan) est le personnage en qui cette tension insupportable, due à la tradition refusée et pourtant acceptée, est portée à son comble. Apprenant de sa mère mourante que son père a pris une seconde épouse et que sa femme l’a trompé, il reprend la route pour gagner les montagnes reculées où la famille de la jeune fille la séquestre.

Il est habité par un dilemme douloureux, partagé entre l’amour qu’il a gardé pour elle et son " devoir " : venger son honneur et celui de toute la famille, sali par la faute de son épouse. " L’esprit d’un homme peut-il être son propre ennemi ? Le mien me torture " avoue-t-il à l’un de ses camarades de détention, retrouvé par hasard dans le train.

null

Subjectivement désemparé, il s’en remet au jugement de Dieu, c’est à dire au supplice féodal de l’ordalie. Cela consistera à exposer sa femme à une terrible épreuve qui jugera, par la mort ou la purification dans la douleur, son pêché, sa souillure.

Seyit Ali la sort donc de la cave où l’enfermait son père, mais en échange elle devra endurer la traversée du col enneigé qui sépare son village de celui de son époux. Le froid et le vent auront finalement raison de la jeune femme, épuisé par de longs mois de jeûne et quasiment pieds nus.

La fuite dans la montagne donne lieu à une puissante scène . L’ homme qui, à un moment, avait porté la femme épuisée sur son dos, la repose, conformément à la règle de l’épreuve. Mais elle ne peut plus marcher, et s’écroule dans la neige. Muets, immobiles, séparés par la longueur d’un champ de neige, il se font face. L’enfant crie le nom de sa mère, puis de son père.

Mais celui-ci ne vient pas la relever, comme s’il en était empêché par quelque force magique. Et c’est bien ainsi qu’apparaît la puissance massive du patriarcat, du féodalisme en Turquie et au Kurdistan, force non pas d’un " préjugé " mais d’un rapport social en acte.

Celui-ci paralyse absolument Seyit Ali, il le congèle, encore plus immobile que la neige sous ses pieds. Cette scène terrible est lourde d’inachèvement, car ici tout s’épuise et rien ne se résout. C’est l’échec permanent.

Voir la femme s’écrouler dans la neige en quasi-spectateur et dans une quasi-fatalité, c’est saisir non pas l’objet seulement, mais le regard lui-même, le regard du robuste montagnard. Telles est la réussite de cette scène. Elle devient comme l’image-symbole qui condense le sens de toute la narration et qui prend à la gorge celui qui la voit.

C’est à notre sens le punctum du film, pour reprendre le concept utilisé par Barthes dans " La Chambre Claire ". Güney le dit d’ailleurs franchement : " Le cinéma, c’est l’illisible. " Refusant l’explication psychologique, le cinéaste rejette également la linéarité et l’unité de l’intrigue, qui remontent aux règles d’Aristote.

Le cinéma de Güney est plus descriptif que narratif, il repose sur la puissance intrinsèque des images qui se passent des mots. Ce sont toujours des " visions " que l’on retrouve à l’origine de ses films : il les insère dans un récit dont elles constituent l’accomplissement, ou bien peu à peu son histoire autour d’elles.

Mehmet Salih (Halil Ergün) porte le poids d’une lourde culpabilité. Lors d’un hold-up, pris de panique, il a abandonné son beau-frère aux balles de la police. Sa belle-famille ne lui pardonne pas et séquestre sa femme et ses enfants, auxquels on demande d’oublier leur père à tout jamais. L’amour d’Emine est cependant plus fort que l’interdit familial.

Elle réussit à s’enfuir et à rejoindre Mehmet. Le bonheur et la liberté retrouvés seront de courte durée, car ils ont été dérobés à l’oppression, effleurés dans la transgression et clandestinement, pour se retrouver enfin seul, Emine et Mehmet se sont cachés dans les toilettes du train, mais des voyageurs les surprennent. Le couple échappe de peu au lynchage, la cellule grillagée où les contrôleurs les ont incarcérés leur servant de refuge !

Une fois encore le motif majeur du film se répète : la Turquie toute entière est un bagne dont les pénitenciers ne sont que la forme extérieur et visible. Mais aucun abri ne peut résister à la violence des mentalités archaïques.

Ainsi, conformément à la logique tragique, le jeune couple finit par tomber sous les balles du frère d’Emine, qui les avait suivis dans le train. Et comme un écho à cette mort violente, le crissement insupportable des roues accompagne longtemps l’image du train, lancé dans la nuit.

Ömer (Necmettin Cobanoglu) figure le personnage dont les rêves parviennent à trouver place dans le corps du film.

Son histoire est comme un trou d’air dans la continuité du plomb du film. Les images de chevaux lancés au galop et les images sonores de chants kurdes modulés au doudouk -sorte de hautbois- transpercent le récit, tout comme les plateaux de fleurs du Kurdistan rompent totalement avec l’hiver qui couvre la Turquie.

Cette force du rêve tient sans doute au fait que, de tous les prisonniers, Ömer est le seul politique, de même que le Kurdistan est le seul espace d’opposition ouverte au pouvoir militaire. Le seul lieu, par conséquent, où la communauté familiale et villageoise et ses règles traditionnelles forment une enceinte permettant de résister à une oppression avant tout extérieure.

Pourtant, les traditions pèsent ici aussi bien lourd. L’amour naissant et silencieux d’Ömer et de la jeune bergère ne pourra jamais s’exprimer que dans les regards : selon le Töre (la coutume) lorsqu’une femme perd son mari, elle doit épouser le frère de son mari, c’est ce qui arrive à Ömer qui doit épouser la femme de son frère, tué au combat.

Mais il préfère tenter de franchir à cheval la frontières qui sépare les Kurdes de Turquie de leurs frères Kurdes de Syrie. Pour lui désormais qui disparaît dans les collines, une nouvelle vie devient possible. Car seule la guérilla ouvre cet espace libre où l’individu peut briser les cercles de son oppression, seule la guerre révolutionnaire pose les conditions de la libération du peuple.

null

L’espace construit par YOL est d’essence carcérale. Excepté les rares travellings horizontaux qui suivent les cavaliers Kurdes emportés par leurs chevaux dans une sorte de symbiose heureuse avec l’immensité du paysage, le cadre est généralement très serré autour du personnage.

Tel est le cas aussi dans la séquence de la traversée de la montagne, où quand le cadre s’ouvre enfin, c’est pour signifier la disparition et la mort de la jeune femme, oubliée par son mari et son fils au point d’être devenue invisible.

Redoublant l’effet d’enfermement, la figure dominante du film est celle du " surcadrage ". L’encadrement d’une porte ou d’une fenêtre réduit souvent la surface de l’écran, masquant même une partie du visage du personnage.

L’espace qui s’étend aux confins du cadre n’est plus alors signifié que par les sons : hurlement des loups, cris des partisans kurdes, rafales des mitraillettes. Si le cadre dit l’enfermement, dans le hors-champ ne réside que la menace.

Autrement dit, l’attente interminable des personnages confinés dans leur petit enclos équivaut à une suspension provisoire de l’inéluctable. Lorsque le temps se remet en marche, c’est pour mener à la mort. Ou bien à l’inconnu risqué, la menace affrontée, le salut possible : vaincre ou mourir.

Violence des situations et lenteur des actions contrastent dans tout le film. Les attentes, les longs silences, les regards sont la force qui écarte les mailles du tissu narratif, ouvrant par-là une place où peut se loger la réflexion du spectateur.

C’est l’esthétique de la distanciation que pratique Güney, à la suite de Brecht. La distanciation naît de la déception de la naïveté : l’histoire n’est pas accueillante, on ne peut pas s’y oublier entièrement, parce que la narration est brisée, d’une part, et qu’il n’y a pas de héros d’autre part.

Les intrigues, à la fois multiples mais en même temps très simples, n’hypnotisent pas l’attention du spectateur.

Celle-ci est libérée des menues chicanes de la psychologie, qui jointe à l’idéalisation, sont ce qui accaparent le spectateur " dans " le héros . Le spectateur est requis pour comparer, juger les différents destins. Par ces procédés de distanciation, le film empêche la tendance naturelle du spectateur à s’oublier, pieds et poings liés dans la magie de la fiction.

En ce sens, l’esthétique marxiste de l’œuvre, tout comme son contenu révolutionnaire, sont bel et bien une lutte contre l’aliénation et l’auto-aliénation, une fenêtre ouverte sur la libération de la femme et de l’homme. Yilmaz Güney est un artiste révolutionnaire, son œuvre s’inscrit dans le combat le plus général contre le féodalisme et particulièrement contre l’oppression patriarcale.

YOL est un film qui montre dans toute sa crudité le patriarcat, de façon réaliste, et en même temps les forces contenus, ou libérées, qui lui sont opposées. Il montre la présence d’une vive contradiction et suggère le moyen de la défier, de la résoudre : cette méthode est réaliste socialiste.

Güney est donc profondément un révolutionnaire communiste, car il recherche les voies de l’émancipation complète de l’humanité, et sait très bien que cela passe par celle de la femme, " prolétaire du prolétaire ". Cela, Marx et Engels l’ont analysé, et YOL le rend sensible.

" Un mouvement révolutionnaire qui n’accorde aucune importance à la condition de la femme ne réussira jamais. Et nous, en tant que cinéastes, nous avons le devoir de montrer les diverses formes de répression de la femme " (Güney).

[La veuve de Yilmaz Güney aura de très graves problèmes avec la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul en raison de la défense de la mémoire de son mari. Elle a ainsi été attaqué en raison de la publication d’un recueil de textes et interview de Yilmaz Güney intitulé " Yilmaz Güney, l’homme, le militant et l’artiste ".

Dans ces documents Güney se présente comme Kurde et, tout en sen prononçant pour le droit à l’autodétermination des Kurdes, se dit favorable à une Turquie démocratique rassemblant les Turcs, les Grecs, les Arméniens, les Kurdes, les Arabes etc. Pour les procureurs turcs de telles différences à l’intérieur du peuple turc consistent en une " incitation à la haine raciale " et du " séparatisme ". Yilmaz Güney a passé douze années de sa vie en prison et était un sympathisant affirmé des maoïstes du TKP-ML (Parti Communiste de Turquie - Marxiste-Léniniste)].

Dziga Vertov : comment tout cela a-t-il commencé ?

Cela a commencé de bonne heure. Par divers romans fantastiques (La main de fer, L’insurrection mexicaine), par de brèves esquisses (La chasse à la baleine, La pêche au saumon). Par des poèmes (Macha).

Par des épigrammes et des vers satiriques (Pourichkievitch, La jeune filles aux tâches de rousseur). Puis ont fait leur apparition les sténogrammes, les montages des mots. L’intérêt privilégié porté aux possibilités de notation des sons documentaires.

Les expériences de notation par des mots et des lettres du bruit d’une chute d’eau, des sons d’une scierie, etc. Les montages-mots musico-thématiques (le Laboratoire de l’ouïe). C’est le début, 7 rue Mali Gnezdikovski, du travail sur la Kino-Nédélia. Sur l’œil armé, sur le rôle de la caméra dans l’investigation du monde vivant. Les premières tentatives de tournage " rapide ", le Ciné-Œil conçu comme œil rapide (lecture de pensée " rapide).

Elargissement de la notion de Ciné-Œil. Le Ciné-Œil, comme ciné-analyse. Le Ciné-Œil, comme théorie des intervalles.

Le Ciné-Œil, comme théorie de la relativité à l’écran, etc. Je supprime les seize images-seconde usuelles. Deviennent modes de prise de vue usuels, en même temps que le tournage rapide, la prise de vues image par image, la micro-prise de vues, la macro-prise de vues, la prise de vues inversées, la caméra en mouvement, etc.

Le Ciné-Œil conçu comme " ce que l’œil ne voit pas ", comme microscope et télescope du temps. Comme négatif du temps, comme possibilité de mouvement sans frontières ni distances, comme utilisation de la caméra à distance (comme télé-œil), comme œil de Rœntgen, comme vie à l’improviste, etc.

Toutes des définitions se complétaient en s’ajoutant les unes aux autres, de sorte que le Ciné-Œil renvoyait à : tous les procédés cinématographiques, toutes les représentations cinématographiques, tous les modes et procédés grâce auxquels on pouvait découvrir et montrer la vérité.

Pas le Ciné-Œil pour le Ciné-Œil, mais la vérité par les moyens et les possibilités du Ciné-Œil, c’est-à-dire le Cinéma-Vérité. Pas la prise de vues à l’improviste pour la prise de vues à l’improviste, mais pour montrer les gens sans fard, pour les saisir par l’œil de la caméra à un moment où ils ne jouent pas, pour lire avec l’appareil de prise de vues leurs pensées mises à nu.

Le Ciné-Œil, comme possibilité de rendre visible l’invisible, limpide le suave, évident ce qui est caché, manifeste ce qui est masqué. De remplacer le jeu par le non-jeu, la fausseté par la vérité, par le Cinéma-Vérité.

Mais il ne suffit pas de montrer sur l’écran des fragments de vérité isolés, des images de vérité séparées, il faut encore organiser thématiquement ces images de manière à ce que la vérité résulte de l’ensemble.

C’est une entreprise beaucoup plus difficile. Il y a encore peu d’études théoriques de cette question. Il faut faire des centaines, des milliers d’expériences pour défricher ce nouveau domaine du travail d’invention cinématographique.

" Si un savant japonais, dit Lénine, a eu la patience d’expérimenter 605 formules, avant de trouver la six cent sixième qui répondait à des exigences données, ceux qui se sont donnés la tâche beaucoup plus difficile de vaincre le capitalisme doivent faire provision d’opiniâtreté, doivent expérimenter des centaines et des milliers de procédés, de modes, de moyens de lutte pour élaborer les plus appropriés d’entre eux (Lénine, Le grand commencement).

Le Ciné-Œil, qui s’est dès le début fixé pour tâche de parvenir à " l’alliance de la science et de la ciné-chronique dans le cadre de la lutte pour la mise en évidence de la vérité et le déchiffrement communiste de la réalité ", est né de dizaines, de centaines d’expériences.

Ces expériences, qui se sont traduites par le développement harmonieux de la ciné-chronique et de la prise de vue scientifique, ont duré des mois, des années. Pour cela, il a fallu surmonter des difficultés humaines qui ne concernaient pas les seuls problèmes techniques et d’organisation, mais qui provenaient surtout de notre incapacité à montrer le caractère inéluctable et indispensable de ce travail.

On peut distinguer trois périodes dans ce travail d’expérimentation :

1.La période qui s’étend de 1918 à 1922 : ce sont les expériences de la guerre civile, l’époque où est produite la Kino-Nédélia, où les combats sont filmés sur tous les fronts de cette guerre.

Se rapportent à cette période Les combats devant Tsaritsyne, Le procès Mironov, L’exhumation des reliques de Serge Radonejski, Le train du Comité Central, etc. Cette période s’achève avec le grand film en treize bobines Histoire de la Guerre civile.

2.La période qui débute en 1922. On peut l’appeler " période du Cinéma-Vérité ".

On voit apparaître les ciné-feuilletons, les ciné-croquis, les ciné-vers, les ciné-poèmes, les ciné-éditoriaux etc. Chaque numéro de la Kino-Pravda apporte quelque chose de nouveau. Un grand travail est accompli également dans le domaine de l’utilisation nouvelle des légendes filmiques par leur transformation en unités de montage au même titre que les images.

Son produits de grands films expérimentaux, comme Kinoglaz, poème En avant, Soviet !, ainsi que la retentissante Sixième partie du monde.

3.La troisième période, c’est le Ciné-Œil en Ukraine. Tour à tour paraissent la marche d’Octobre La onzième année, le film sans paroles L’Homme à la caméra et la symphonie de bruits Enthousiasme.

C’est par les Trois chants sur Lénine, " cette symphonie de pensées ", que commence la quatrième période. Trois chants sur Lénine constitue déjà une expérience synthétique multiforme, qui plonge ses racines profondes dans le terrain de la création populaire des travailleurs de l’Orient soviétique émancipés par la Révolution.

Manifeste des Jeunes cinéastes (Turquie, 1968)

JEUNE CINEMA-OCTOBRE 1968- N° 1 (TURQUIE)

Jeune Cinéma pense qu’il est nécessaire de reprendre en main le cinéma qui a une expérience de plus de 50 années en Turquie. Nous proclamons vouloir mettre sur pied un cinéma révolutionnaire, indépendant et tourné vers le peuple, en parallèle à l’action révolutionnaire et à la prise de conscience de notre peuple. Les principes énoncés ici bas sont dans cette lignée.

1. Nous devons signaler une fois de plus, que l’art fait partie de la société, que l’art s’est développé avec le développement de l’humanité, et donc que l’art ne peut être dissocié de la société, que la notion de peuple doit être redéfinie, que les notions " pour le peuple " et " au nom du peuple " doivent être éclaircies, et que la notion de peuple désigne la classe ouvrière.

2. Jeune Cinéma s’oppose au système cinématographique actuel. De même qu’il s’oppose au système social dans lequel il s’inscrit. Car ses deux systèmes se sont éloignés de la définition de l’humain, de l’émancipation de l’humanité. Ils n’ont d’autres buts que d’exploiter l’homme physiquement et mentalement. C’est pourquoi Jeune Cinéma doit être indépendant, et ne doit céder sur aucun de ses principes.

3. Les cultures traditionnelles, et les cultures étrangères doivent être exposées et présentées dans une perspective révolutionnaire. Le travail accumulé doit être compris dans un sens révolutionnaire. Jeune Cinéma en analysant l’homme moderne, voit en lui un nouvel homme ayant des valeurs nouvelles, et l’analyse en son tout, avec ses bons et ses mauvais cotés. Jeune Cinéma perçoit l’essence et l’apparence dans un unité, et la comprends dans un sens révolutionnaire. Jeune Cinéma pense que ces deux conceptions ne peuvent être séparées l’une de l’autre.

4. Jeune Cinéma s’oppose à tous les Yesilçam de la planète. Peu importe l’endroit où l’on se trouve sur la planète, l’ennemi est le même partout. Dans ce sens, la conception universelle est main dans la main avec la conception nationale. Jeune Cinéma considère qu’une œuvre nationale portant en elle des valeurs artistiques réalistes, solides et établies, peut atteindre une dimension internationale.

5. Il faut également signaler qu’un cinéaste à le devoir se tourner vers les réalités de son pays. Néanmoins Jeune Cinéma s’oppose à tout reflet dogmatique et révisionniste des réalités présentées dans les œuvres artistiques. L’artiste crée ses œuvres en toute liberté.

Nous pensons qu’une lutte donnée en ce sens, ne peut se faire sans organisation. Une revue est un lieu de rencontres, ce qui est plus important et qui compte c’est la création artistique et la diffusion de cette création au peuple. Un véritable Manifeste ne peut être mis en avant que par la création artistique. Nous publions Jeune Cinéma comme premier pas de notre action.

[Yesilçam est en fait un quartier d’Istanbul, et représente ce que Cannes représente en France.]

Eisenstein, Godard et Bergman mis en perspective

L’art cinématographique répond à plusieurs exigences, que ce soit au niveau de l’artiste comme à celui du spectateur. L’artiste utilisant les moyens d’expression cinématographiques vise à raconter une histoire, présenter une atmosphère, éventuellement une problématique ; le spectateur vise à la même chose, mais de manière passive.

Cette opposition formelle n’est pour cette raison pas réaliste. L’artiste vise un public, sans quoi son œuvre n’est qu’un cadeau à lui-même ; inversement, le public tente d’apprendre et/ou de ressentir quelque chose.

Cette question du rapport entre l’artiste et le public a été à la source d’un grand conflit théorique, marqué par la victoire d’Eisenstein sur les plans théoriques et pratiques. Ce conflit est passé par la question de la technique, propre au début du développement du cinéma, et plus précisément de la question du montage.

Eisenstein est le premier à révéler par sa pratique cinématographique, ainsi qu’avec la théorisation qu’il en a faite, qu’il existe un langage cinématographique. Le cinéma n’a consisté jusqu’à Eisenstein qu’en une série d’images photographiques juxtaposées, dont l’enchaînement possédait un sens (logique) mais pas de signification intrinsèque.

Cette signification passe par le montage, qui lui seul orchestre le découpage des images de telle manière à rajouter un sens à ce qui n’est sinon que du théâtre filmé.

Mais le fait même de filmer se modifie logiquement en fonction de l’objectif au montage ; la théorie de la dominante est ainsi essentielle dans l’art cinématographique, puisqu’elle vise à faire revenir un aspect visuel dans les différents plans d’une séquence. Il s’agit bien, comme Eisenstein a appelé l’article où il a présenté cette théorie, de " la quatrième dimension au cinéma ".

null

Ce faisant, Eisenstein s’est opposé à deux courants théoriques n’ayant justement pas compris le montage et n’ayant considéré celui-ci que comme un aspect technique. Le premier fut celui que l’on peut qualifier d’expressionniste, bien qu’il fut représenté par le futuriste Dziga Vertov.

Ce dernier était partisan du " non-sujet " et réduisait l’acteur à un rôle infime. La théorie de Vertov est en fait une théorie réduisant le film à un documentaire, ou à une expérimentation visuelle, bien que lui-même s’en défende.

Sa perspective, en prétendant préserver la forme cinématographique, la déshumanise. Le cinéma expressionniste n’a pas fait autre chose en évitant la question du montage pour retranscrire dans le décor le malaise qui aurait dû être exprimé par les acteurs, par la scène, par les plans, par la séquence.

A l’opposé de cette déviation on trouve le formalisme, qui est une conception théâtrale du cinéma et ne veut pas que le montage " entache " les séquences .

L’art cinématographique repose par conséquent sur deux piliers : la mise en scène, qui ne correspond pas à celle du théâtre, et le montage, qui ne correspond pas à celui du documentaire.

En ce qui concerne la mise en scène, Eisenstein nous dit que :

" Dans les mises en scène de théâtre, l’on part toujours d’un espace scénique déterminé, en épuisant ensuite à l’intérieur de cet espace toutes les possibilités de découpage de l’image. En passant de la mise en scène théâtrale à la mise en scène cinémato-graphique, la première question qui se pose, c’est de savoir comment construire l’espace particulier de chaque plan.

Il faut tenir compte de ce que cet espace ne doit pas être construit seulement en fonction de la prise de vues, mais aussi en tenant compte des données optiques. À côté du lieu de l’action, je produis toujours un index optique.

null

Ce qui veut dire que, au cinéma, la scène dramatique et l’action elle-même ne sont pas construites seulement devant la caméra, mais aussi que c’est au moyen de la caméra qu’elles vont se réaliser, et que pour cela il faut tenir compte des caractéristiques des différents objectifs " (Le Mouvement de l’art).

Il nous dit aussi que : " Au cinéma, la mise en place scénique est la "cause première" d’où procèdent les moyens de réalisation spécifiques de la mise en scène cinématographique.

La fragmentation en plans et le montage ne sont pas seulement déterminés par le scénario, mais aussi par la mise en scène, c’est à dire par la façon dont l’action dramatique est concrétisée par l’acteur, dans le temps et l’espace " (Le film : sa forme / son sens).

L’art cinématographique consiste, dans cette optique, ni plus ni moins qu’en un théâtre rendu réaliste. Ainsi en 1933 dans la revue Iskoustvo Kino, Eisenstein nous dit que : " Si un drame s’articule en actes, un acte en scènes, et la scène en actions isolées, le film, lui, s’articule en éléments encore plus fins : une action se divise en unités de montage, et celles-ci en plans ".

Friedrich Engels disait qu’est réaliste ce qui présente un personnage typique dans une situation typique, en ce sens le cinéma d’Eisenstein correspond pleinement à un théâtre rendu réaliste lorsqu’il explique que " une mise en place des acteurs n’est correcte que si elle manifeste les tendances des personnages en rapport avec le conflit moteur ".

Le montage joue alors le rôle de révélateur des dynamiques : celle du scénario, celle des acteurs, celle des plans. Les différenciations et la valorisation de telle ou telle œuvre se font par rapport à ces points de repères.

Si l’on prend le cinéma commercial, on voit que le scénario ne tient pas dans la plupart des cas et qu’il est sauvé par les effets spéciaux, eux-mêmes ne prenant au sens qu’avec un montage prenant comme prétexte des acteurs.

Dans le véritable cinéma au contraire, chaque élément possède son autonomie, et le statut de chef d’œuvre est obtenue lorsque à chaque niveau un excellent résultat est obtenu.

null

Le montage joue un rôle particulier ici, puisqu’il est à la fois indépendant des autres dynamiques, au sens où l’artiste donne le rythme et la forme qu’il veut, mais qu’il dépend de la matière filmée et que celle-ci n’est pas " brute ".

Cela signifie que le réalisateur doit maîtriser du début du processus jusqu’à la fin un plan parfaitement précis et ne laissant champ à aucune improvisation.

Eisenstein définit quatre modes de montages : · Métrique, c’est-à-dire en longueur ; · Rythmique, selon le rythme de l’enchaînement des plans ; · Tonal (basé sur le sens émotionnel des séquences, il se fait d’après les dominantes) ; Ober tonal (il détruit les dominantes, l’harmonie mélodique de l’enchaînement des plans ; il est basé sur la perception physiologique du corps).

Il semble néanmoins bien que la question du montage soit une question personnelle propre à chaque artiste. Lorsque Eisenstein affirme que " L’idée doit résulter du choc de deux éléments indépendants l’un de l’autre ", que " Le degré de discordance entre les différentes images détermine la plus ou moins grande intensité de l’impression et de la tension ", il développe une thèse qu’on peut que rattacher à son œuvre personnelle.

On ne voit pas en effet pourquoi il n’y aurait pas trois éléments, ou quatre,ou encore pourquoi les éléments ne seraient pas contradictoires ou opposées, etc. La question du montage est en définitive une question de plastique et relève du choix personnel de l’artiste.

Le cinéma d’Ingmar Bergman possède par exemple une plastique tout à fait particulière. Le scénario, le jeu des acteurs, le plan et le montage font de l’œuvre de Bergman un chef d’œuvre, mais n’est nullement reproductible ni généralisable.

C’est une preuve qu’à partir du moment où l’on saisit un mode d’expression, on peut le développer sur différents plans. Bergman part de sa propre personnalité pour gérer la forme expressive (et le contenu) de ses films.

null

On a pu parler à un moment de " cinéma de chambre ", en allusion au " Théâtre de chambre " de Strindberg faisant référence à la musique de chambre l’inspirant.

Le cinéaste finlandais Jorn Donner, dans son livre consacré à Ingmar Bergman, nous dit que "ce genre (de théâtre) transporte dans le drame l’idée de musique de chambre : caractère intime du spectacle, portée significative du sujet, soin donné à l’exécution".

Et à propos de la manière de faire de Bergman : "On répartit un certain nombre de thèmes entre un nombre extrêmement restreint de voix et de personnages. On extrait leur passé, on les place dans une sorte de brouillard et l’on fait un distillat".

Cette manière est une démonstration des possibilités ouvertes par ce que Eisenstein a su mettre en valeur comme ligne de conduite cinématographique. Le cinéaste doit bien maîtriser l’intégralité du processus filmique et non pas se contenter d’un aspect seulement, étant donné qu’il y a sinon perte de la substance du film.

La dénaturation de l’œuvre, le décalage entre ce que l’artiste aurait voulu faire et ce qui est fait provient d’une incapacité organisationnelle à laquelle il faut impérativement remédier si le cinéma veut progresser, c’est-à-dire s’il veut que les films s’individualisent. Or, il est évident que cela est impossible dans un cinéma dominé par les monopoles.

null

Pour avancer dans cette perspective, il faut aller de l’avant, réaffirmer la primauté du cinéma d’auteur et catégoriquement refuser le cinéma pop-corn, la réduction à la dimension " divertissante " du cinéma.

Il faut rejeter la démagogie des grands monopoles qui qualifient d’" intellectuels " et de " trop difficiles " les œuvres des classiques du cinéma. Il faut combattre l’intellectualisme petit-bourgeois et élitiste à la Arte qui caricature le cinéma d’auteur en perspective nombriliste. Cela signifie par-là même la mise en valeur du " cinéma total ", du " cinéma-vérité " tel que l’a formulé Dziga Vertov.

Si l’on mène ce combat, déjà ouvert dans les années 1960 par Godard, alors on pourra révéler une multitude de cinéma d’auteurs en liaison avec le réel et non plus répondant aux desiderata des monopoles.

Manifeste des cinéastes palestiniens

Tiré de la Revue Ecran 73-Novembre 1973-N°18 (PALESTINE)

Le cinéma est sujet à de profonds débats d’un bout à l’autre du monde arabe. Les cinéphiles, cinéastes, techniciens et autres critiques de Damas, Alger, Le Caire, Tunis, Beyrouth et Koweït-City tentent d’édifier un cinéma engagé exposant les désirs des masses. La défaite amère de Juin 1967 est la base de cette situation, c’est pourquoi les Palestiniens ne pouvaient être indifférents à cette renaissance.

Il y a quelque temps un groupe d’intellectuels et de cinéastes ont annoncé par le manifeste ci-dessous, avoir créé l’" Association du Cinéma Palestinien ". Depuis longtemps, le cinéma arabe se limite à des sujets sans lien avec la réalité, et traite ses propres sujets de façon superficielle. A force de s’appuyer sur des concepts préétablis, le cinéma est devenue une sorte d’opium créant des habitudes abjectes chez les spectateurs arabes. Il a contribué à dénigrer la conscience et la pensée progressiste du peuple, et à le détourner de ses propres problèmes.

Bien entendu, on peut voir dans toute l’histoire du cinéma arabe, une volonté sérieuse de présenter les réalités et les problèmes de notre monde, cependant cette volonté de créer un nouveau cinéma a été combattue avec vigueur par les mouvements réactionnaires . Tout en respectant ces intentions, nous devons dire qu’en général celles-ci ont été insuffisantes et n’ont été que des balbutiements et des résolutions de forme. Elles n’ont pu se défaire du lourd héritage qu’on leur avait légué.

La défaite de Juin 1967 a été douloureuse et a ouvert le chemin à des débats de principe. En conséquence, elle a lancé de jeunes cinéastes prêt à bâtir un nouveau genre de cinéma, inédit dans le monde arabe. Ceux-là croyaient que les troubles avaient changé dans leurs fonds et dans leurs formes.

Les films représentant cette nouvelle orientation posent le problème de notre défaite, et prennent des postions engagées envers la résistance palestinienne. En mettant sur le tapis les causes de notre situation, ce qui est important pour nous, nous Arabes et Palestiniens devons développer un cinéma palestinien exposant les étapes de la guerre menée pour sauver nos territoires, tout en gagnant le soutien de notre peuple à notre guerre.

Le cinéma souhaité doit exposer du mieux qu’il peut, le passé, le présent et le futur. Ce saut qualitatif nécessite le rassemblement des actions individuelles : les entreprises individuelles-quelque soit leurs valeurs-sont condamnées à être insuffisantes et non-influentes. C’est dans ce but que, nous, cinéastes et écrivains, publions ce manifeste et appelons à rejoindre l’ " Association du Cinéma Palestinien ".

Les tâches de cette association se décomposent en six groupes.

1. Produire des films palestiniens sur la lutte palestinienne et ses objectifs, qui s’inspirent d’un fond démocratique et progressiste, et qui est leur place dans le monde Arabe.

2. Travailler pour donner naissance à une nouvelle esthétique prenant la place de l’ancienne et présentant un nouveau fond.

3. Mettre le cinéma au service de la Révolution Palestinienne et au service de la cause Arabe.

4. Préparer les films dans le but de faire connaître la cause Palestinienne au monde entier.

5. Créer une Filmothèque rassemblant toutes les archives et toutes les photos concernant la lutte du peuple Palestinien et les étapes de la guerre en Palestine.

6. Renforcer les liens avec les associations cinématographiques révolutionnaires et progressistes du monde entier. Participer aux différents festivals de cinéma au nom de la Palestine. Aider les équipes amies oeuvrant pour la réalisation des buts de la Révolution Palestinienne.

L’ " Association du Cinéma Palestinien " se comprends comme un partie rassemblant l’ensemble des organisations révolutionnaires palestiniennes. L’aide financière viendra des organisations palestiniennes et arabes.

Maïakovski : cinéma et cinéma

Pour vous, le cinéma est un spectacle. Pour moi, il est presque une conception du monde.

Le cinéma est le véhicule du mouvement. Le cinéma est le novateur des littératures. Le cinéma est le destructeur de l’esthétique.

Le cinéma est intrépidité. Le cinéma est un sportif. Le cinéma est un diffuseur d’idées.

Mais le cinéma est malade. Le capitalisme lui a jeté de la poudre d’or aux yeux. D’habiles entrepreneurs le mènent par la main dans les rues. Amassent de l’argent en remuant les cœurs par de petits sujets pleurnichards.

Cela doit prendre fin.

Le communisme doit arracher le cinéma des mains de ses gardiens spéculateurs.

Le futurisme doit faire évaporer l’eau stagnante de la lenteur et de la morale.

Sinon, nous aurons ou bien des claquettes importées d’Amérique, ou bien les éternels yeux larmoyants de Mosjoukine .

De ces deux choses, la première nous ennuie. La seconde encore plus.

[Ivan Illitch Mosjoukine : acteur et cinéaste russe (Penza, 1889 - Neuilly, 1939). Acteur de théâtre, il s’intéressa au cinéma dès 1909, interprétant, pour V. Starevitch, V. Gontcherov et E. Bauer des rôles mélodramatiques (la Vie dans la mort, 1914). Il émigra, en 1920, en France et réalisa lui-même plusieurs films (l’Enfant du carnaval, 1921 ; le Brasier ardent, 1923).]

Eisenstein parle

"Le cinéma, bien sûr, est le plus international des arts. Pas seulement parce que des films en provenance de pays divers font le tour du monde à travers les pays les plus divers. Mais, avant tout, parce que les possibilités sans cesse enrichies de sa technique et son pouvoir créateur sans cesse en progrès permettent au cinéma d’instituer à l’échelon international un contact de pensée éminemment vivant. De cette réserve inépuisable de possibilités le premier demi-siècle n’a vu pourtant utiliser que des miettes. Qu’on ne me comprenne pas à contresens. Il ne s’agit pas des réalisations. On a réalisé des choses magnifiques - et en grand nombre. (...)

Il s’agit de ce que pouvait réaliser le cinéma, et que lui seul pouvait réaliser. De ce qu’il y a de spécifique, d’unique, dans ce que le seul cinéma était capable de construire, de créer. On n’a pas encore apporté de solution définitive au problème de la synthèse des arts qui aspirent à se fondre totalement, organiquement, en son sein. Or voilà que, déjà, des problèmes sans cesse renouvelés nous assaillent. Nous achevions à peine de nous assimiler la technique de la couleur que le cinéma en relief, tout juste sorti de ses langes, nous a lancé dans les jambes le problème nouveau du volume et de l’espace. Et voici que le miracle de la télévision nous met face à une réalité vivante qui menace de faire éclater les expériences encore incomplètement assimilées et analysées du cinéma muet et du cinéma parlant. Dans ceux-ci, par exemple, le montage n’était que la trace, plus ou moins parfaite, de la marche réelle d’une perception de l’événement, reconstituée à travers le prisme d’une conscience et d’une sensibilité d’artiste.

Là, il deviendra cette marche même à l’instant précis où le processus se déroule. On assistera au stupéfiant aboutement de deux extrêmes. Maillon initial de la chaîne des formes historiques du mystère théâtral, l’acteur dramaturge chargé de transmettre au spectateur la matière de ses pensées et de ses sentiments au moment même où il les éprouve, tendra la main au maître des formes supérieures du mystère de l’avenir, au mage cinéaste de la télévision, qui vif comme un clin d’œil ou comme le jaillissement de la pensée, jonglant avec les foyers d’objectifs et les profondeurs de champ, imposera directement, instantanément, son interprétation esthétique de l’événement pendant la fraction de seconde où celui-ci se produit, au moment de notre première, unique et bouleversante rencontre contre lui. Est-ce invraisemblable ? Est-ce possible ? Est-ce irréalisable à une époque qui attrape déjà au vol l’écho-radar émis de la lune et expédie des avions à la vitesse du son, par delà la coupole bleue de l’atmosphère ? ".

Le cinéma a 50 ans

" Le cinéma a cinquante ans. Un monde immense et complexe de possibilités s’ouvre à lui. L’humanité se doit de les maîtriser, non moins que de maîtriser l’aspect fécond des découvertes de la physique d’aujourd’hui, de l’ère atomique. Or l’esthétique mondiale a fait si peu, jusqu’à présent, si lamentablement peu pour permettre à l’homme de se rendre le maître des moyens, des possibilités qu’offre le cinéma !

Pas seulement faute de savoir ou d’élan. Ce qui frappe ici, c’est l’immobilisme, la routine, la fuite devant les problèmes absolument neufs que posent les étapes, se poursuivant l’une l’autre, d’un cinéma en perpétuel devenir. Nous avons rien à redouter de leur assaut. Notre tâche est de rassembler et de résumer l’expérience des époques passées et en train de passer, pour aller, forts de cette expérience, au-devant des étapes nouvelles, si infiniment attirantes, et les dominer victorieusement, en n’oubliant à aucun instant que la profondeur idéologique du thème et de la matière demeure et restera à jamais la base véritable de l’esthétique, ce qui confère sa pleine valeur à la mise en oeuvre des nouveautés techniques, les moyens d’expression les plus perfectionnés servant seulement à donner corps aux formes les plus élevées de la pensée ".

Le cinéma est un art

" Par ses traits propres aussi, cet art (le cinéma) sera sans commune mesure avec celui du passé. Ce ne sera pas une musique rivalisant avec celle de naguère, une peinture s’acharnant à dépasser celle de jadis, un théâtre laissant derrière soi le théâtre d’autrefois, des drames, des statues, des danses rivalisant victorieusement avec les danses, les statues, les drames des époques abolies. Non. Ce sera une nouvelle et merveilleuse variété de l’art, fondant en un seul tout, identifiant en soi la peinture et le drame, la musique et la sculpture, l’architecture et la danse, le paysage et l’homme, l’image et le verbe. La prise de conscience de cette synthèse, en tant que tout organique n’ayant jamais existé encore, constitue incontestablement le plus grave des problèmes que l’esthétique ait jamais eu à aborder dans toute son histoire. Et cet art nouveau a nom cinéma ".

Une ère nouvelle

" Est-ce que tout cela n’exige pas des arts entièrement nouveaux, des formes et des dimensions dépassant les palliatifs qu’ont été jusqu’à ce jour le théâtre traditionnel, la sculpture traditionnelle et, aussi, le cinéma traditionnel ? (...) Il ne faut pas avoir peur de cette ère nouvelle. Et encore moins, lui rire au nez, comme nos ancêtres qui jetaient de la boue sur les premiers parapluies. Il faut préparer dans les cerveaux une place pour l’avènement de thèmes entièrement nouveaux qui, multipliés par les possibilités d’une technique renouvelée, exigeront une esthétique absolument nouvelle pour la matérialisation intelligente de ces thèmes dans les grandes oeuvres de demain ".

Filmographie d’Eisenstein

La Grève, 1924

Le Cuirassé Potemkine, 1925

Octobre, 1927

La Ligne Générale ou l’Ancien et le Nouveau, 1929

Que viva Mexico, 1931

Le Pré de Bejine, 1935 (non terminé)

Alexandre Nevski, 1938

Ivan le Terrible, 1945 (premier épisode)

Ivan le Terrible, 1958 (deuxième épisode ; non terminé)

Ecrits d’Eisenstein

Réflexions du cinéaste, Ed. en langues étrangères, Moscou, 1958

Ma conception du cinéma, Buchet-Chastel, 1971

Le Film : sa forme / son sens, Christian Bourgeois, 1976

Esquisses et dessins, Ed. de l’Étoile / Cahiers du Cinéma, 1978

Cinématisme, peinture et cinéma, Ed. Complexe, 1980

Le Mouvement de l’art, Ed. du Cerf, 1986

Mettre en scène, collection 10/18, U.G.E. :

I - Au-delà des étoiles, 1974 II - La Non-Indiférente Nature 1, 1978 III - Mémoires 1, 1977 IV - La Non-Indiférente Nature 2, 1978 V - Mémoires 2, 1979 VI - Mémoires 3, 1985

Manifeste de Dziga Vertov, ciné-oeil (1923)

Je suis un œil. Un œil mécanique. Moi, c’est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir.

Désormais je serai libéré de l’immobilité humaine. Je suis en perpétuel en mouvement. Je m’approche des choses, je m’en éloigne. Je me glisse sous elles, j’entre en elles.

Je me déplace vers le mufle du cheval de course. Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l’assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent...

Voilà ce que je suis, une machine tournant avec des manœuvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres les assemblant en fatras.

Libérée des frontières du temps et de l’espace, j’organise comme je le souhaite chaque point de l’univers. Ma voie, est celle d’une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas.

Le cinéma dramatique est l’opium du peuple.

A bas les rois et les reines immortels du rideau. Vive l’enregistrement des avants-gardes dans leur vie de tous les jours et dans leur travail !

A bas les scénarios-histoires de la bourgeoisie. Vive la vie en elle-même !

Le cinéma dramatique est une arme meurtrière dans les mains des capitalistes !
Avec la pratique révolutionnaire au quotidien nous reprendrons cette arme des mains de l’ennemi.

Les drames artistiques contemporains sont les restes de l’ancien monde. C’est une tentative de mettre nos perspectives révolutionnaires à la sauce bourgeoise.
Fini de mettre en scène notre quotidien, filmez-nous sur le coup comme nous sommes.

Le scénario est une histoire inventée à notre propos, écrite par un écrivain. Nous poursuivons notre vie sans avoir à la régler au dire d’un bonimenteur.
Chacun de nous poursuit son travail sans avoir à perturber celui des autres. Le but des Kinoks est de vous filmer sans vous déranger.
Vive le ciné-oeil de la Révolution !

NOUS

Nous, afin de nous différencier de la meute de cinéastes ramassant pleinement la saleté des poubelles, nous nommons les " Kinoks ".

Il n’y a aucune ressemblance entre le " cinéma réaliste des Kinoks " et le cinéma des petits vendeurs de pacotilles. Pour nous, le cinéma dramatique psychologique Russe-Allemand lourd de souvenir infantile ne représente rien d’autre que de la démence. Nous proclamons les films théâtralisés, romanisés à l’ancienne ou autres, ensorcelés.

Ne les approchez pas !
N’y touchez pas des yeux !
Il y a danger de mort !

Ils sont contagieux !

Nous pensons que l’art du cinéma de demain doit être le reflet du cinéma d’aujourd’hui. Pour que l’art du cinéma survive, la " cinématographie " doit disparaître. Nous voulons accélérer cette fin. Nous sommes opposés à ceux que beaucoup appèle le cinéma de " synthèse ", mélangeant les différents arts.

Même si les couleurs sont choisies avec soin, le mélange de couleurs affreuses donnera une couleur affreuse, on ne peut obtenir le blanc. La véritable union des différents arts ne pourra se faire que quand ceux-ci auront atteint leur apogée.

Nous nettoyons notre cinéma de tout ce qu’y s ’y est insinué, littérature et théâtre, nous lui cherchons un rythme propre, un rythme qui n’ait pas été chapardé ailleurs et que nous trouvons dans le mouvement des choses.

Nous exigeons :

A la porte
Les étreintes exquises des romances
Le poison du roman psychologique
Les griffes du théâtre amoureux
Le plus loin possible de la musique Avec un rythme, une évaluation, une recherche d’outils propres à nous même, gagnons les grandes étendues, gagnons un espace à quatre dimensions (3 + le temps).

L’art du mouvement qu’est le cinéma ne nous empêche en aucun cas de ne pas porter toute notre attention sur l’homme d’aujourd’hui. Le désordre et le déséquilibre des hommes autant que celui des machines nous font honte.

Nous projetons de filmer l’homme incapable de maîtriser les évolutions. Nous allons passer du lyrisme de la machine à l’homme électrique irrécusable.

En dévoilant l’âme de la machine, nous allons faire aimer le lieu de travail de l’ouvrier, le tracteur de l’agriculteur, la locomotive du machiniste... Nous allons rapprocher l’homme et la machine.

Nous formerons des hommes nouveaux. Cet homme nouveau, épuré de ses maladresses et aguerri face aux évolutions profondes et superficielles de la machine, sera le thème principal de nos films.

Il célèbre la bonne marche la machine, il est passionné par la mécanique, il marche droit vers les merveilles des processus chimiques, il écrit des poèmes, desscénarios avec des moyens électriques et incandescents. Il suit le mouvement des étoiles filantes, des évènements célestes et du travail des projecteurs qui éblouissent nos yeux.

Godard et le groupe Dziga Vertov

Jean-Luc Godard est sans aucun doute le premier nom qui nous vient à l’esprit quand on pense à la relation entre le cinéma et les événements de mai 68. Il n’en est pas moins le réalisateur le plus discuté dans l’histoire du cinéma.

Il a vécu une rupture radicale avec le monde du cinéma dans lequel il vivait, et rejetant toute relation commerciale pendant quatre ans, il a crée avec Jean-Pierre Gorin et d’autres militants maoïstes le groupe Dziga-Vertov, réalisant des films en 16 mm. La relation entre Godard et mai 1968 ne s’arrête pas aux sujets de ses films, mais comprend aussi la participation au projet de transformation de la société par la volonté de transformer le cinéma. Il a réalisé une rupture avec le cinéma commercial et avec le contenu du cinéma de son époque. Mais voyons d’abord ce qui a amené Godard à cette rupture.

Godard dans les années 60

Godard, comme tous les cinéastes de la Nouvelle Vague, a débuté dans le cinéma en écrivant dans les Cahiers du Cinéma créés par Bazin, et en passant la majeure partie de son temps à visionner des films à la Cinémathèque de Paris créée par Henri Langlois. De ce fait, avant même de commencer à réaliser des films, il avait déjà une importante culture cinématographique.

Lui aussi, comme la plupart des cinéastes de la Nouvelle Vague, a remis en cause le cinéma, mais il l’a fait à sa manière, en brisant les conventions et les règles mises en place, que ce soit au niveau du scénario, des acteurs et des actrices, de l’utilisation de la lumière, du décor, du maniement de la caméra, du son, etc. Cette remise en cause ne s’est pas faite que sur un niveau artistique, mais également au niveau politique. Son second long-métrage, Le Petit Soldat (1960), parlant de la Guerre d’Algérie, a été censuré pendant trois années.

Ce qui ressort est aussi confus que la pensée de Godard sur la Guerre d’Algérie. Il dira d’ailleurs qu’il a voulu montrer " un esprit confus dans une situation confuse " et que 80% des Français(es) de l’époque ne savaient pas quoi penser de cette guerre. Cela a donné un film complexe qui montre les tribulations et les états d’âme d’un homme de main d’extrême droite en proie à la lassitude, et l’attitude des indépendantistes du FLN face à cet homme. L’un des thèmes principaux est à ce titre la torture, celle d’un camp, celle de l’autre camp. Elle est montrée indirectement mais clairement suffisamment pour faire réfléchir. Le cinéma-vérité va jusque là. Jusqu’en 1967, les films de Godard ne seront donc pas directement politiques, mais remettent en cause la société en traitant de sujets comme la prostitution, la violence...

Godard dira à ce sujet en 1966 : " J’ai réalisé 13 Films, mais j’ai l’impression que je viens juste d’ouvrir les yeux sur le monde. Je pense que ceci est du au fait que je vive en France. J’ai fait beaucoup de voyages et, ces derniers temps, je planifie mon départ de France pour aller tourner à l’étranger. Sur l’éducation des analphabètes à Cuba, par exemple. Ou au Nord Vietnam pour connaître les nouvelles pensées sur la guerre. Je pense que désormais je suis capable de faire la même chose en parlant dans les films de Cuba ou du Vietnam ". Godard n’ira ni au Vietnam ni à Cuba, mais avec les événements de l’année 1968, Godard avec le Groupe Dziga-Vertov tourneront la majorité de leurs films (6 sur 8 en tout) à l’étranger (USA, Angleterre, Tchécoslovaquie, Italie et Palestine).

La Chinoise ou plutôt à la chinoise

Avec le film " La Chinoise ou plutôt à la chinoise, un film en train de se faire " sorti en 1967, Godard préfigurait, un an à l’avance, les évènements de l’année 68. Les films de Godard ne sont pas des " produits finis ", et la fin du film " La fin d’un commencement "l’indique en elle-même.

Ce film comprend les deux principales particularités du cinéma de Godard, à savoir l’auto-critique et le principe de la contradiction, et met en avant la notion de " lutte sur deux fronts en même temps ", le front social et le front artistique, qui marque le cinéma de Godard de 1967 à 1972. Godard voulait la révolution sociale et la révolution artistique, et a voulu participer à sa manière au processus révolutionnaire. " La Chinoise " est un film montrant ce qui allait se dérouler en 1968 et la raison de l’" échec " du mouvement de 1968. Cette révolution sera vue au travers de cinq personnages.

Il y a tout d’abord Véronique, étudiante à Nanterre et voulant devenir professeur. Elle est la leader du collectif " Aden-Arabie ". C’est une représentante typique de la " Nouvelle Gauche " qui va participer aux événements de mai 1968, acceptant le rôle de la violence dans le processus révolutionnaire.

Ses arguments sont plus superficiels que théoriques. Elle veut refaire tout le système éducatif et pour cela elle pense qu’il faut fermer l’université afin de tout recommencer à zéro. Et pour revenir à zéro dans l’art, elle préconise le bombardement du Louvre et de la Comédie française, afin de repenser la peinture et l’art dramatique. Ce retour à zéro afin de reconstruire la société est un thème cher à Godard, car selon Godard pour détruire le cinéma bourgeois, il faut revenir à zéro dans le cinéma également.

Godard nous rappelle pendant tout le film que nous sommes en train de visionner un film, et nous remet à notre place de spectateur. Les comédiens font expressément ressentir qu’ils jouent la comédie. A un moment on voit le caméraman, à la fin d’une séquence, on entend même Godard dire : " Coupez. C’est très bien ".

En fait, Godard rejette les conventions et règles adoptées par le cinéma " bourgeois ", car Godard veut nous faire participer pleinement au film en nous laissant réfléchir sur les scènes vues. Nous passons de spectateurs passifs à spectateurs actifs. Autre particularité de ce film, il ne nous présente pas une seule vision " possible ", ceci est du au fait que Godard a fondé son film sur la contradiction.

Cette contradiction apparaît entre deux personne du groupe Aden-Arabie. Tout d’abord il y a Kirilov qui a écrit sur les murs de l’appartement utilisé comme base, " l’art socialiste est mort à Brest-Litovsk ", " La ligne révolutionnaire juste n’est pas détenue par une minorité " et dit qu’ " une révolution sans bombe n’est pas une révolution ", que " l’art ne voit pas le visible, il voit l’invisible ". Kirilov a une tendance suicidaire, et finissant par dire " s’il y a le Marxisme-Léninisme alors tout est possible, donc je peux me tuer " ; il se suicidera.

Henri représente le contraire de Kirilov. Il a étudié à l’Institute for Economics et rêve de travailler en Allemagne Démocratique. Il est contre la violence et est pour la paix avec l’ennemi (la bourgeoisie). Henri défend la ligne politique que l’Union Soviétique a développé dans les années 60, et est pour un " socialisme humaniste " rejetant la violence.

Pour lui la violence ne montre pas la voie à la lutte des classes. A la fin, Henri se fera jeter du groupe suite à une discussion avec Véronique sur un attentat qu’ils ont programmé (l’assassinat de l’Attaché à la Culture Soviétique). Le rejet d’Henri et de sa position correspond à celle de la ligne de ce que les " pro-chinois " appelleront le Parti " Communiste " Français au cours des événements de l’année 1968.

Autre point du film, la solidarité à l’intérieur du collectif. Malheureusement cette solidarité ne se fera pas, et l’exclusion d’Henri démontre bien ce manque de soutien à l’intérieur du groupe. Ce manque de solidarité et de soutien se fera sentir en 68, et ce qui amènera le mouvement de 68 à l’échec.

Le groupe Dziga Vertov

Godard créera en 68 avec un groupe de militants maoïstes le groupe Dziga-Vertov. Ce groupe sera composé d’un jeune militant marseillais, Jean-Henri Roger, avec qui il tournera " British Sounds " et " Pravda ". Il tournera également " Vent d’Est ", " Luttes en Italie ", " Jusqu’à la Victoire ", " Vladimir et Rosa ", " Tout va Bien " et " Letter to Jane " avec Jean-Pierre Gorin, ancien journaliste et militant.

Ce groupe a existé de 1968 à 1972, et a tourné tout ses films en 16mm (à part " Tout va Bien ") ; il voulait sortir du cinéma commercial et de la distribution commerciale. Godard ira, par exemple, montrer ses films dans les universités américaines. Mais le problème qui retient le plus l’attention de ce groupe est le montage. Puisque le cinéma est fait d’images et de sons, comment les utiliser selon une pratique révolutionnaire ? Comment les ordonner, les confronter afin qu’ils s’opposent aux méthodes du cinéma bourgeois dominant ? Comment promouvoir un cinéma politique et militant au service du prolétariat ?

Godard répond : " Je crois à la diffusion de masse quand il existe un parti de masse.(...) Le cinéma est un instrument de parti. (...) Nous, pour l’instant, nous disons que le cinéma est une tâche secondaire dans la révolution mais que cette tâche secondaire est actuellement importante et qu’il est donc juste d’en faire une activité principale. "

D’où vient le nom de ce groupe ? Godard a répondu à cette question lors d’un interview fait en 1970 par Kent E. Carroll :

" Question : Pourquoi avez-vous pris le nom de Groupe Dziga-Vertov ? Godard : Il y a deux raisons. La première est le choix de Dziga Vertov, la seconde le choix du nom Groupe Dziga Vertov. Le nom du groupe n’est pas pris pour élever une personne, mais pour brandir un drapeau, pour indiquer un programme. Pourquoi Dziga Vertov ? Car au début du siècle il était un véritable cinéaste marxiste. En faisant des films, il contribuait à la Révolution Russe. Il n’était pas uniquement un révolutionnaire. C’est un artiste progressiste ayant participé à la révolution et il est devenu un artiste révolutionnaire à l’intérieur de la lutte. Il a dit : Le devoir d’un cinéaste -kinoki- n’est pas de faire des films -en fait kinoki ne veut pas dire cinéaste mais ouvrier du cinéma- , mais de faire des films au nom de la Révolution Prolétarienne Mondiale. "

Le groupe Dziga-Vertov s’efforcera alors de reprendre le style et les thèmes chers à Dziga Vertov. Tout d’abord, il va reprendre une idée essentielle du cinéma de Vertov : Vertov filme la matière brute, accumule images et sons sans aucun souci de fiction. Pour les mettre en place, il refuse de les interpréter selon la méthode traditionnelle, ce montage qui organise, impose un ordre rassurant à la matière. Pour Dziga Vertov, il s’agit de dénoncer l’ordre dominant sans recourir aux trucs du " langage cinématographique ".

Le film " En Avant les Soviets " illustre cette démarche propre à Vertov. A travers la construction d’un barrage en Union Soviétique, il produit un hymne au monde du travail et à la machine, contre l’arbitraire de la nature. Il commence par présenter des images d’éléments naturels, eaux et montagnes... Puis il restitue la progression du travail : machines qui trépident, hommes qui se concentrent ou se démènent. Le rythme s’accélère et le film s’achève sur l’image de grandes transformations. C’est un cinéma qui se veut totalement au service de la révolution.

Le Groupe Dziga-Vertov s’essaye à cette approche documentaire et propagandiste dans " British Sounds ", qui retrace un moment de la réalité anglaise en 1968. Le film s’ouvre sur une chaîne de montage dans une usine d’automobiles. Le film présente ensuite plusieurs discussions : ouvriers marxistes anglais, militants étudiants parlant de la sexualité et de la répression. L’image devient slogan : si on parle de ventre, on vous montre un ventre. Ce film est un détournement de production, il avait été commandé par la BBC, on l’utilise pour donner la parole à ceux qu’elle n’invite jamais, l’ouvrier politisé ou l’étudiant révolté. Nous n’allons pas passer en revue tous les films du Groupe Dziga-Vertov et vous invitons à les visionner ou re-visionner. Nous allons plus particulièrement nous intéresser ici au film " Tout va Bien ".

Tout va bien

En 1972, Godard va tourner le film " Tout va bien " avec Jean-Pierre Gorin. Ce film est le film le plus célèbre du Groupe Dziga-Vertov. A l’opposé des autres films du Groupe, celui-ci a été tourné en 35mm, et au lieu d’acteurs amateurs, Jane Fonda et Yves Montand vont jouer les rôles principaux.

Après quatre ans de travail, le Groupe a senti le besoin de s’adresser à plus de personnes, c’est pourquoi ils ont choisi ces deux acteurs, mais également car ils étaient connus comme étant de gauche. Le financement du film a été fait par contrat avec la Société Paramount. Dès la diffusion du film Godard a fait son auto-critique sur ce point, afin de casser la perception commerciale de ce film. Godard et Gorin savaient très bien qu’un film commercial sur la classe ouvrière n’allait pas trouver de clients, y compris dans la classe ouvrière, alors ils ont dit ce qu’ils avaient à dire sur la classe ouvrière de France en 1972 par l’intermédiaire de l’amour de deux bourgeois .

Susan (Fonda) et Jacques (Montand) ont une relation compliquée. Jacques a débuté dans le cinéma en écrivant des scénarios, il s’est radicalisé après Mai 1968, mais avec l’effondrement de la vague révolutionnaire, il a perdu tous ses espoirs et s’est rendu au système, désormais c’est un réalisateur de films publicitaires. On voit une scène où, lors d’un tournage, il se trouve près du cameraman et sa voix est étouffée par le brouhaha du tournage. Godard veut nous faire réfléchir sur le rôle de la pub dans la société de consommation et nous montrer que nous sommes bombardés par la pub, bombardement qui finit par jouer son rôle, ne nous laissant plus le temps de réfléchir.

Susan, la femme de Jacques, travaille pour l’American Broadcasting System (ABS, une radio), elle est envoyée en France pour analyser les événements politiques et culturels. Tout comme Jacques, Susan est insatisfaite dans son travail : " Je travaille, mais je n’arrive nulle part...Plus j’avance moins je comprends. " Les personnages de Jacques et Susan reprennent la contradiction si chère à Godard. En effet, l’un travaille dans l’image, l’autre dans le son. Ils travaillent tous les deux dans le secteur de la communication, mais n’utilisent pas les mêmes moyens de diffusion. De plus, leur rôle ne prend de l’importance qu’au milieu du film, et tout le reste du film ils ont une position secondaire.

Le film se déroule en trois parties. La première partie se déroule dans l’usine Salumi qui produit des saucisses, des salamis...Susan, accompagnée de Jacques, se rend dans cette usine, afin d’interviewer le directeur sur les problèmes des ouvriers. Mais à leur arrivée, l’usine sera occupée par les ouvriers. Afin de donner une vision plus réaliste de cette séquence, Godard tournera l’occupation de l’usine en studio. Commençant par un plan d’ensemble, on voit à l’étage supérieur de l’usine le bureau du directeur, en dessous huit bureaux, le quatrième mur a été enlevé laissant la caméra se glisser de droite à gauche, nous voyons se dérouler l’occupation.

Godard nous présente ensuite les trois forces présentes dans l’usine, en laissant la voix à chacune d’entre elles. Tout d’abord le directeur prononce un discours, nous rappelant le Long Live Consumer Society de Saint-Geours, affirmant que les analyses marxistes sont dépassées car de nos jours la lutte de classes n’existe plus et il y a la solidarité entre les classes. Ces propos servent plus à faire oublier les problèmes plutôt que de les résoudre. Les ouvriers syndiqués à la CGT (sous le contrôle du P " C "F), ayant senti que le contrôle de la situation leur avait échappé, car ce ne sont pas eux qui ont décidé de l’occupation, condamnent celle-ci. Leurs propos ont été pris de " La Vie Ouvrière ", et disent que l’occupation est une forme de lutte trop violente, et qu’elle apporte des questions difficiles à résoudre, c’est pourquoi il faut leur laisser le contrôle de la situation. Lorsqu’un ouvrier pose une question, le représentant de la CGT répond par des statistiques et tourne autour du pot. La CGT n’apporte donc pas de solutions.

Une jeune ouvrière prend alors la parole, son discours a été tiré du journal La Cause du Peuple . Elle parle de l’odeur de l’usine qui empeste et que pour se libérer de cette odeur elle doit acheter des parfums afin de ne pas être rejetée par son entourage, donc qu’elle est aliénée par la société de consommation. Godard et Gorin donnent à travers tout le film divers messages sur la société patriarcale. Lors de l’occupation, par exemple, une ouvrière appelle son mari afin de le prévenir qu’elle risque de rentrer tard : " Tu ne dois pas t’énerver. Vous aussi, vous vous étiez mis en grève... Là c’est pareil. " Le mari de l’ouvrière, bien qu’il soit un ouvrier aussi, a du mal à comprendre sa femme et a du mal à accepter qu’elle participe à l’action. Ceci sert à comprendre le niveau de conscience d’un ouvrier.

Dans une autre scène, le directeur veut se rendre aux WC. Les ouvriers lui accordent trois minutes de même que lui ne leur accordait que trois minutes. Mais le directeur n’arrivera pas à satisfaire ses besoins entièrement, et les ouvriers le ramèneront dans son bureau, et casseront la fenêtre pour qu’il puisse satisfaire ses besoins.

La troisième partie du film se déroule dans un hypermarché. Cette partie a été filmée en plan-séquence, elle dure 10 minutes au cours desquelles on voit la caméra glisser de gauche à droite, filmant les 25 caisses en allant vers la gauche et revenant sur la droite. Pendant le glissement de la caméra, on voit au milieu du magasin un stand où des jeunes du P" C "F vendent des livres à prix réduits. La question qui se pose alors est : Est-ce que c’est le P" C "F qui utilise le système, ou est-ce que c’est le système qui utilise le P" C "F ? Les évènements se déroulant en France montre qu’en fait le P" C "F fait partie du système. Puis, on voit un groupe de gauchistes entrer dans le magasin, et criaient " Tout est gratuit ", voulant que l’hypermarché subisse une razzia. Puis ils se battent avec la police.

Le film se termine dans un café, un homme est assis et une femme passe la main sur la vitre où est assis l’homme, puis elle s’asseoit à une table du café, et c’est l’homme qui vient passer sa main sur sa vitre. On entend à la fin : " Comment allons nous terminer ce film ? Ils sont dans une crise profonde...Disons qu’ils vont se remettre en cause...laissons-leur cela...Nous devons tous avoir une histoire. La tienne, la mienne, la notre. "

Biographie de Dziga Vertov

1896 Naissance le 2 janvier à Bialystok (partie polonaise de la Russie tsariste). Ses parents sont bibliothécaires. Son véritable nom est Denis Arkadiévtich Kaufman. Il aura deux frères plus jeunes que lui : Mikhaïl et Boris.

1906 Lycéen, il écrit ses premiers poèmes.

1912-1915 Cours au conservatoire de musique de Bialystok. En 1915, devant l’avancée de l’armée allemande, la famille s’installe à Moscou. Il écrit beaucoup entre 1914 et 1916 : des poèmes (Macha), des vers satiriques (Pourichkiévitch, La jeune fille aux tâches de rousseur), des essais (La chasse à la baleine, La pêche à la ligne), des romans de science-fiction (La main de fer, L’insurrection mexicaine). C’est de cette période que, se revendiquant déjà du futurisme, il prend le nom de Dziga Vertov qu’il fait inscrire dans l’état civil soviétique. Dziga, dérivé d’un mot ukrainien désignant la toupie, signifie allusivement " roue qui tourne sans cesse ", mouvement perpétuel (il s’apparente également au mot Tzigane). Vertov dérive du verbe russe vertet qui signifie tourner, pivoter, tournoyer.

1916-1917 Etudes de médecine à Saint-Pétersbourg. Développant et modifiant les expériences des bruitistes - futuristes. Vertov fonde son Laboratoire de l’ouïe. Avec un vieux phonographe, il enregistre et monte des bruits (scieries mécaniques, torrents, machines en mouvement, paroles, etc.). Egalement montages de sténogrammes et montages de mots ; cette dernière technique est employée à des poèmes : Je vois, Start.

1918 Printemps : Vertov se met à la disposition du Kino-Komitet (Comité cinématographique) du Narkompros (Commissariat du Peuple à l’Instruction publique), 7 rue Malin Gnezdikovski, à Moscou. Il y devient rédacteur et chef monteur du premier journal d’actualité cinématographiques publié par le gouvernement des Soviets, le Kino-Nédélia (Ciné-Semaine).

1er juin : premier numéro du Kino-Nedelia Sommaire : 1.Le Premier Mai sur la Place Rouge. 2.Jour du service militaire obligatoire, départs pour le front. 3.Exposition éducative de pièces anatomiques dans les kiosques de Moscou. 4.Réquisition et distribution des objets remisés par la bourgeoisie dans les garde-meubles.

29 numéros du Kino-Nédélia (hebdomadaire) sont publiés au cours de l’année, rédigés et montés par Vertov. Exemples de ces numéros : N°12, août 1918 : 1.Départ des marins pour le front. 2.Autoru de Kazan, combats contre les troupes tchèques. 3.Accident de chemin de fer. 4.Enterrement du chef bolchevik Ouritsky. 5.Catastrophe à Kiev : explosion d’un dépôt de munitions. 6.Yaroslav libérée par l’Armée rouge. La ville a été en partie détruite par les Gardes blancs. N°22, fin octobre 1918 : 1.A Nijni-Novgorod, les premières glaces sur la Volga. 2.Pskov libérée, reprise aux Allemands par l’Armée Rouge. 3.Revue, en bateau, des troupes rouges sur la rivière Kama. 4.Le Troud, bateau fluvial pris aux Tchèques.

1919 1er janvier-27 juin : Dix numéros du Kino-Nédélia. Faute de pellicule, le journal filmé ne paraît plus que très irrégulièrement et devra arrêter de paraître dans la seconde moitié de l’année.

Juillet : Vertov cesse de travailler au Kino-Nédélia et utilise ses anciens numéros comme une partie du matériel pour un film de montage qui paraît avoir été présenté au début de novembre pour le second anniversaire de la révolution : L’anniversaire de la révolution, " documentaire historique ". Réalisation et montage : Dziga Vertov. Production : Kino-Komitet du Narkompros. 12 parties. Paraît être le premier film de montage d’actualités qui ait jamais eu cette importance (2h30/3h de projection).

Fin 1919, Dziga Vertov participe à des prises de vues avec l’opérateur P. Ermolov comme correspondant de guerre, autour de Tsaritsyne où se livrent de violents combats contre les armées blanches. La ville sera libérée le 3 janvier 1920. Elle avait été prise pendant l’été par le général Denikine.

1920 Avec les documents rapportés du front de la Volga, Vertov monte le film suivant, présenté fin 1919 ou plus vraisemblablement au début de 1920 : Les Combats devant Tsaritsyne, " Etude expérimentale ". Scénario, montage, réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : Ermolov, Dziga Vertov, Lemberg, etc. Production : Kino-Komitet du Narkompros et Rev-Voien-Soviet (Soviet de la guerre révolutionnaire). 1 bobine.

6 janvier : avec le président Kalinine, Dziga Vertov part comme documentariste et opérateur à bord du train de propagande Révolution d’Octobre qui accomplit pendant plusieurs semaines une tournée de propagande sur les fronts du Sud-Ouest, où les armées rouges combattent les troupes blanches des généraux Denikine et Wrangel. Kalinine visite notamment Kazan, Toula etc.

Vertov a emporté avec lui son long métrage L’Anniversaire de la Révolution qu’il projette dans les gares et les cinémas des villes où s’arrête le train de propagande. En même temps il filme ou fait filmer le voyage, les meetings, les discours de Kalinine. Il rapportera de cette tournée le documentaire Le Staroste de toutes les Russies, Kalinine. Scénario, réalisation, opérateur et montage : Dziga Vertov. Le terme russe de Staroste signifie doyen, chef d’un village, d’un pays ou d’une communauté.

L’exhumation des reliques de Serge Radonejski Scénario, réalisation et " instructeur pour le tournage " : Dziga Vertov. Production : Kino-Komitet du Narkompros. 2 bobines. Il s’agit d’un reportage anti-religieux sur l’exhumation du cadavre d’un homme riche s’étant fait passer pour un saint.

Le procès Mironov " Etude " et " Chronique judiciaire ". Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Production : Kino-Komitet du Narkompros et Rev-Voien-Soviet. 1 bobine.

1921 Le commandant de la XIIIème armée Kojevnikov Film composé par Dziga Vertov avec les documents filmés à Tsaritsyne en 1919. Nous ignorons si ce film, pour lequel Vertov établit une liste de montage, a été terminé et édité.

Le train du Comité Central, " Film voyage ". Réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : A. Lemberg, Tissé, etc. Production : V. Ts. I. K. (Comité Central du Parti bolchevik) et Kino-Komitet du Narkompros, 1 bobine ou 750 mètres. A participé aussi à ce film le réalisateur Gardine. Le film paraît avoir été édité seulement en 1923. Autre titre : Sur les fronts de la guerre civile.

Ce train, dit aussi Train Lénine, était une unité roulante d’agit-prop (agitation-propagande), avec une troupe de théâtre, un cinéma ambulant, des opérateurs, un petit laboratoire de tirage-montage, une bibliothèque, des orateurs politiques, une imprimerie... Il voyagea à travers tout le pays du 22 avril 1919 au 2 novembre 1921. Le film raconte ses voyages et utilise les films rapportés par ses opérateurs. Vertov avait participé à sa tournée de janvier-février 1920. A la même époque circulait sur la Volga le vapeur Etoile Rouge qui menait la même activité.

1921 Vertov aurait monté en 1921 (ou en 1920) un film : Le vapeur instructeur étoile rouge. Opérateurs : A. Lemberg, P. Ermolov. Production : VFKO (Comité Photographique et Cinématographique Pan-russe).

Scénario : Le Caucase soviétique (projet non réalisé).

1922 Histoire de la guerre civile, " Chronique historique " Scénario, réalisation, montage : Dziga Vertov. Production ; GlavPolit Prosvet et Kultkino (cinéma culturel), VFKO. 13 bobines, soit environ 3.900 mètres. Film entrepris en 1921. Montage de documentaires et d’actualités sur la guerre civile (1918-1921).

Le procès des S.R., " Chronique judiciaire " Plan de travail, sous-titres, réalisation : Dziga Vertov. Production : VFKO. 3 parties, 900 mètres environ. Pendant la guerre civile les " socialistes-révolutionnaires " avaient appuyé et soutenu les entreprises contre-révolutionnaires, collaborant avec les Blancs et étant par exemple responsable de l’attentat où Lénine sera grièvement blessé. Leur procès, ouvert à Moscou le 23 mai 1922, se termina par quatorze condamnations à mort non appliquées.

Univermag, " Esquisse ". Réalisation : Dziga Vertov. Production : VFKO. Deux parties, 600 mètres environ. Documentaire consacré au grand magasin d’Etat de Moscou Univermag (magasin universel) appelé aussi GOUM.

Ciné-Vérité (Kino Pravda) Plan de tournage, sous-titres, réalisation : Dziga Vertov. Production : Goskino (Cinéma d’Etat). Chaque numéro : une bobine (300 mètres environ). Dates de sorties : 21 mai pour le n°1, 12 juin pour le n°2, 22 juin pour le n°3, 1er juillet pour le n°4, 12 juillet pour le n°5, 24 juillet pour le n°6, 1er août pour le n°7, 15 août pour le n°8, 25 août pour le n°9, 3 septembre pour le n°10, 5 octobre pour le n°11, 12 octobre pour le n°12. Magazine à périodicité irrégulière portant le nom (ou placé sous les auspices) du quotidien Pravda (Vérité) fondé en 1912 par Lénine. Chaque numéro est composé non d’actualités mais de deux ou trois reportages sur des sujets divers. Le numéro 9 (25 août 1922) contient par exemples trois parties : 1.Congrès des prêtres orthodoxes de Moscou. 2.Courses à l’hippodrome de Moscou, le 20 août. 3.Le premier cinéma automobile ambulant de l’U.R.S.S. Recherches de montage très originales dans les parties 2 et 3, avec large emploi de gros plans, de visages et de mécaniques en mouvement.

Fin 1922 a été constitué le Conseil des Trois avec Dziga Vertov, Elisabeth Svilova (sa femme et collaboratrice), Mikhaïl Kaufman (son frère, récemment démobilisé et devenu opérateur d’actualités puis de documentaires. Il est depuis le 6ème numéro (au moins) de la Kino-Pravda (24 juillet) l’opérateur principal du magazine.

Décembre : le Conseil des Trois rédige un appel aux cinéastes soviétiques, publié l’année suivante dans la revue LEF sous le titre : L’Appel du commencement.

28 décembre : Vertov termine la rédaction du manifeste théorique publié en juin 1923 dans LEF sous le titre de Kinoki. Perevorot (Kinoks-Révolution).

1923 10 janvier : Sténogramme du Conseil des Trois. 20 janvier : Appel du Conseil des Trois aux cinéastes. Documents publiés en juin dans LEF.

Janvier : Kino-Pravda n°13, publié sous le titre : Ciné-Vérité d’Octobre - Hier, Aujourd’hui, Demain. Réalisation, scénario : Dziga Vertov. 900 mètres environ. Numéro spécial entrepris fin 1922 pour le cinquième anniversaire de la Révolution d’Octobre. Ce numéro comporte des séquences composées à dessein d’actualités prises à des époques et dans des endroits très différents, formant cependant un récit cohérent.

15 mars : Publication dans la Pravda de l’article de Vertov : Notre point de vue, sous le titre Nouvelles tendances du cinéma.

Cinq années de lutte et de victoires. Réalisation, scénario : Dziga Vertov. Production : VFKO, 1500 mètres environ. Film de montage sur l’U.R.S.S. de 1917 à 1922.

Mai : Kino-Pravda n°14 Réalisation, Scénario : Dziga Vertov. Contient une séquence où Lénine est acclamé par des foules filmées à des époques et dans des endroits très différents.

Juin : Publication de Kinoki. Pereverot et d’autres manifestes de Dziga Vertov dans le numéro 3 de LEF, organe du Front gauche de la littérature et des arts, fondé et dirigé par Maïakovski.

21 juillet : Premier numéro du Kino-Kalendar, plus tard appelé Goskino-Kalendar (Ciné-calendrier). Scénario, montage : Dziga Vertov. Production : VFKO. 1 bobine. Cinquante numéros de ce magazine (bi-mensuel ?) seront publiés en 1923-1925 (dernier numéro en juin).

Novembre : Kino-Pravda n°15.

Trois ciné-esquisses consacrées à la première exposition pansoviétique.

Construction de l’exposition pan-soviétique. Scénario et montage : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Production : Goskino. 3 bobines

Inauguration de l’exposition. Scénario et montage : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Production : Goskino. 2 bobines

L’exposition pansoviétique. Scénario et montage : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Production : Goskino. 5 bobines

Le Conseil des Trois est devenu au printemps 1923 le groupe des Kinoki, pluriel de Kinok, mot forgé en partant de Kino-Oko, variante de Kino-Glaz et signifiant comme lui Ciné-Œil. On pourrait traduire Kinoki par Ciné-Yeux.

1924 Mars : Kino-Pravda n°16 La vérité du Printemps Scénario, réalisation et montage : Dziga Vertov. Numéro spécial sur le thème du Printemps.

Kino-Pravda n°18 Voyage du ciné-œil sur l’itinéraire mer noire - océan arctique - Moscou. Scénario, réalisation et montage : Dziga Vertov.

Kino-Pravda n°19 Numéro spécial consacré au Proletkult (organisation de culture prolétarienne, de ligne gauchiste et ouvriériste opposée à la politique d’ouverture de Lénine et Gorki).

Kino-Pravda n°20, numéro spécial intitulé : Ciné-vérité des pionniers. Film réalisé dans un camp de jeunes pionniers dans la région de Moscou.

Aujourd’hui., " La carte politique de l’Europe en dessins animés ". Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Collaborateurs (dessins) : Béliakov et B. Volkov. Production : Goskino (Kultkino). 195 mètres. Le premier film d’animation réalisé en Union Soviétique, entrepris en 1922.

Les jouets soviétiques Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateur : A. Dorn Collaborateurs (dessins) : Bouckine, Alexandre Ivanov, I. Béliakov. Production : Goskino. 1 bobine. 34 9 mètres. Film d’animation.

Les grimaces de Paris ou le Rouble or. Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateur : Béliakov. Dessins : Béliakov, Bouchkine. Production : Goskino. 60 mètres. Film d’animation ; charge politique dirigée contre Poincaré.

Humoresque. Réalisation : Dziga Vertov. Opérateur : Béliaev. Collaborateurs (dessins) : A. Bouchkine, I. Béliakov. Production : Goskino (Kultkino). 1 bobine, 60 mètres. Film d’animation.

Ciné-œil - Première série du cycle : La vie à l’improviste. Ciné explorateur, montage : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Assistante à la réalisation : E. Svilova. Production : Goskino. 6 bobines. La liste de montage, conservée, contient 476 numéros.

En 1924 se poursuit la publication du Goskino-Kalendar. Scénario, réalisation et montage : Dziga Vertov. Dans cette série s’inscrivent : le ciné-calendrier léniniste (1 bobine), L’année sans Illitch (2 parties, 500 mètres environ).

Vive l’air. Scénario, réalisation : Dziga Vertov. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Production : Goskino. 1 bobine.

Dziga Vertov commence à travailler au scénario de Trois chants sur Lénine, terminé et réalisé sept années plus tard. Le groupe des Kinoks comprend alors Vertov, Svilova, M. Kaufman, Béliakov, Kopaline, Alexandre Lemberg (opérateur), Léonovitch, P. Zotov, Koudinov, Kagarlitsky, Bouchkine et quelques autres.

Un essai a été tenté en 1923-1924 pour transformer les Kinoks en "organisation de masse" ayant ses clubs et ses correspondants dans toute l’U.R.S..S. le seul club d’amateurs existant hors de Moscou fut fondé par Kopaline dans son camp de pionniers. Mais quand celui-ci s’établit en 1925 à Moscou pour y devenir documentariste, ce groupe disparut et il n’y en eut pas d’autres.

1925 Publication des trois derniers numéros de la série Kino-Pravda : 21 janvier, n°21 - Ciné-vérité léniniste, " Ciné-poème sur Lénine ". Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : G. Guiber, A. Lévitsky, A. Lemberg, I. Novitsky, M. Kaufman, E. Tissé, etc. 3 bobines (900 mètres environ). 13 mars, n°22 - Lénine vit dans le cœur du paysan. Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : M. Kaufman, A. Lemberg, I. Béliakov. 2 bobines (600 mètres environ). Paraît avoir été présenté à l’Exposition des Arts décoratifs de Paris (où il sera primé) sous le titre Histoire d’une bouchée de pain. N°23 - Radio Ciné-vérité. Scénario et réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : M. Kaufman, I. Béliakov, E. Bouchkine. 1 bobine.

Continuation du Goskino-Kalendar, jusqu’au numéro 50. Dziga Vertov cesse sa collaboration le 5 juin 1925. Il a réalisé et monté cette année-là au moins deux numéros spéciaux pour ce magazine : Le septième anniversaire de l’armée rouge (23 février), le numéro spécial du 1er mai.

Août : La flotte de la Baltique. Documentaire de M. Petrovitch. Plan de montage établi par Dziga Vertov.

10 octobre : Dziga Vertov commence à écrire le scénario de La sixième partie du monde, travail terminé fin décembre.

Fin décembre : Dziga Vertov commence à travailler au scénario du Mossoviet (Soviet municipal de Moscou) qui deviendra au cours de sa réalisation Chagaï, Soviet (En avant, Soviet !).

Projets non réalisés : Lénine (deviendra Trois chants sur Lénine), La dixième Année (deviendra La onzième année), La Terre (paraît être dérivé de la Kino-Pravda n°21).

1926 En avant, Soviet !, " Symphonie du travail créateur ". Scénario, guide de tournage, montage, sous-titres : Dziga Vertov. Assistante de l’auteur : E. Svilova. Chef opérateur : Béliakov, avec plusieurs autres opérateurs dépendant de lui. Ciné-explorateur : Ivan Kopaline. Production : Kultkino-Goskino. 7 bobines, 1.650 mètres. Première à Moscou le 23 août 1926. Autres titres : 2.000 mètres au pays des Bolchevik ; Le Mossoviet dans le présent, le passé et le futur.

La sixième partie du monde, " Ciné-poème lyrique ".

Scénario, guide de tournage, montage, sous-titre, " instructeur " : Dziga Vertov. Assistante de l’auteur : E. Svilova. Chef opérateur : Mikhaïl Kaufman. Opérateurs : Ivan Béliakov, P. Zotov, A. Lemberg, S. Bendersky, N. Stroukov, N. Konstantinov, Ia. Toltchan. Ciné-explorateurs : Ivan Kopaline, A. Kagarlitsky, Boris Koudinov. Production : Kultkino et Sovkino. 6 parties, 1767 mètres. Première à Moscou le 31 décembre 1926. Film produit pour la publicité du Gostog (Commerce d’Etat) et spécialement pour ses services d’exportation.

Articles divers écrits ou publiés en 1926 : Le Ciné-Œil (publié dans Sovietsky Ekran n°15, 1926), Le front du ciné-œil (11 mars), La fabrique de faits (Pravda du 25 juillet), Contre les phrases gauchistes (15 juillet), Un combat continu (publié dans Kino du 30 octobre), Du ciné-œil au radio-œil ; Projet du ciné-œil comme cinéma géographique.

Durant l’année 1926, Dziga Vertov écrit le scénario de Dix ans après Octobre, qui deviendra La onzième année, et fait le plan de sa Fabrique de faits, conçue comme ce que seront plus tard en U.R.S.S. les " Studios des actualités et du documentaire ".

D’autre part, en 1926, Mikhaïl Kaufman, devenu documentariste, réalise seul Moscou. Ce documentaire détruit pendant la guerre a été réalisé suivant le principe de " la vie à l’improviste " et montre une grande ville pendant une journée, de l’aube au crépuscule. Principe de scénario (ou plutôt de plan de travail) qui sera ensuite repris en Allemagne par Walther Ruttmann pour Berlin, Symphonie d’une grande ville (1928) et par les deux frères, en collaboration, pour L’homme à la caméra (1929).

1927-1928 La onzième année, " Chronique ". Scénario, réalisation, montage, sous-titre, " instructeur " : Dziga Vertov. Assistante de l’auteur : E. Svilova. Opérateur : Mikhaïl Kaufman. Production : VUFKU (Kiev). 5 bobines, 1600 mètres. Première à Kiev le 21 mars 1928, à Moscou le 25 mai 1928. Autre titre : le dixième anniversaire d’Octobre.

Vertov a rompu avec le Goskino et travaille désormais comme son frère M. Kaufman avec le VUFKU (Comité pan-ukrainien du cinéma et de la photographie). Les motifs de sa rupture apparaissent avoir été exposés dans une longue lettre du 3-15 janvier 1927 au camarade D. Chvedtchikov, directeur du Sovkino.

Son article Au volant du ciné-œil de 1927 paraît être demeuré inédit. Dziga Vertov intervient comme délégué à une discussion du Parti et des Soviets sur le cinéma (27 décembre 1927). Il a travaillé au scénario de La onzième année durant l’année 1927, mais ne paraît pas avoir conclu un accord pour sa réalisation avec le VUFKU avant le début de 1928.

En 1927-1928 il écrit un scénario de 141 pages pour L’homme à la caméra (scénario musical, plan d’orientation du tournage, devis de réalisation, feuillets de tournage, objectif du film). L’accord pour sa réalisation paraît avoir été conclu au printemps de 1928.

Les théories et les films du ciné-œil et de Vertov commencent à avoir une grande influence sur les cinéastes d’avant-garde en Allemagne (Ruttmann, Richter), en France (Vigo, Carné, Jean Lods, etc.), en Belgique (Storck), en Hollande (Ivens, Ferno), aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne (Grierson etc.). Ils déterminent en partie, dans ces divers pays, l’évolution de l’avant-garde (parfois abstraite) vers le documentaire social.

1929 L’homme à la caméra (littéralement : L’homme à la prise de vues ou à l’appareil cinématographique), " ciné-feuilleton ".

Scénario, " instructeur ", montage : Dziga Vertov. Assistante à la réalisation et au montage : E. Svilova. Opérateur : M. Kaufman. Production : VUFKU. 6 bobines, 1889 mètres. Première à Kiev le 8 janvier 1929, le 9 avril à Moscou. Film sans sous-titres, réalisé en 1928. Une journée d’une grande ville, de l’aube à la nuit. Il y avait seulement un plan de travail très poussé, préparant le tournage. Vertov utilise constamment dans ce film divers effets spéciaux ou truquages (surimpressions, ralentis, accélérés etc.).

En 1929 Mikhaïl Kaufman réalise de son côté Vers la crèche. Divers désaccords ont surgi entre les deux frères durant la réalisation de L’homme à la caméra et ils cesseront désormais leur collaboration. Depuis 1925 ils sont en correspondance avec leur plus jeune frère, Boris Kaufman, qui a suivi vers 1919-1920 ses parents en Pologne, ils lui donnent des cours de cinéma par correspondance. Vers 1928 le jeune homme s’établit en France où il devient l’ami de Vigo, Jean Lods, Moussinac etc.

1930 Enthousiasme ou Symphonie du Donbass, " Film documentaire sonore ". Scénario, montage, réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : B. Zeitline, K. Koulayev. Opérateur du son : P. Chtro. Musique : Timoféiev. Assistante au montage : Svilova. Assistants pour le son : Timarzev et K. Tchybisov. Production : Ukrain Film (anciennement VUFKU). 7 bobines ou 2.600 mètres.

Premier film sonore de Vertov et l’un des deux premiers de long métrage réalisés en U.R.S.S. Pourrait n’avoir été terminé qu’en 1931.

Articles : Réponses aux questions à propos du documentaire (5 janvier), Sur le documentaire (revue Kino-Front, 11 mai), Le ciné-œil de mars (revue Kino i Jizn, n°20).

Mikhaïl Kaufman réalise seul Au Printemps, long-métrage produit par le VUFKU et qui est son meilleur film (détruit pendant la guerre).

En France Boris Kaufman est l’opérateur de Jean Vigo pour A propos de Nice.

1931 Articles : Le point de vue (A propos d’Enthousiasme, 7 février), Les premiers pas (publié dans Kino du 16 avril, n°422), La négation de la négation (sur les actualités et le cinéma sonore, 10 avril), Intervention à la première conférence de l’ARRK à Moscou sur le thème : Reconstruction du cinéma soviétique et problèmes du film politique (18-22 avril), Ciné-œil, Radio-Œil et le soi-disant documentarisme (publié pas Cinéma Prolétarien, n°4, 4 mai), Critique des critiques (publié dans Kino, 16 juin), La cinématographie soviétique (écrit pour la Petite Encyclopédie soviétique).

Durant cette année 1931, Vertov et Svilova voyagent en Europe occidentale, visitant Berlin, Hambourg, Breslau, Hanovre, Genève, Bâle, Paris, Londres, etc.

Il présente dans ces villes L’homme à la caméra ou Enthousiasme. Désormais illustre, le réalisateur est accueilli partout avec ferveur et admiration.

17 novembre : Charles Chaplin, après avoir vu Enthousiasme à Londres, fait parvenir un message plein d’admiration à Vertov.

1932-1933 Dziga Vertov travaille sur le scénario de Trois chants sur Lénine et réunit la matière première d’archives pour ce film.

Début de l’année 1932 : article à propos d’Enthousiasme : Charles Chaplin, les ouvriers de Hambourg et les décrets du Dr Virta, et Encore sur le soi-disant " documentarisme " (les deux articles dans Cinéma Prolétarien, n°3). Controverse avec le critique Nikolaï Lébédev (Cinéma Prolétarien n°5). Article Conquête de l’art (publié dans Kino n°5). Sur les tâches des travailleurs de la cinématographie soviétique à la lumière de la résolution du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) : " De la réorganisation des associations artistiques et littéraires ". Perspectives de travail dans l’ARRK ; Pourquoi je ne participe pas aux discussions sur le documentarisme.

1934 Trois chants sur Lénine. Scénario, montage, réalisation : Dziga Vertov. Opérateurs : M. Maguidson, Monastyrsky, Sourensky. Musique : You. Chaporine. Son : P. Chtro. Assistante de l’auteur : E. Svilova. Production : Mejrabpomfilm. 1873 mètres. Présenté partiellement et primé au second festival de Venise (1934).

Articles de Vertov sur ce film : illustré Ogonëk (n°17, 1934) ; quotidien Izvestia (15 décembre 1934) ; revue Iskousstvo Kino (n°4, 1957, article écrit en 1934) ; Ciné-vérité publié dans Cinéma Soviétique (n°11-12, 1937) ; Symphonie de pensée (26 août 1934, inédit).

1935-1936 Dziga Vertov travaille au scénario de Berceuse.

1936 Il écrit le scénario de Chansons sur les jeunes filles. Ce film, qui devait être consacré aux diverses républiques de l’U.R.S.S., ne sera pas réalisé.

24 avril : Discours sur Maïakovski, pour l’anniversaire du poète.

1937 Berceuse. Scénario, montage, réalisation, commentaire : Dziga Vertov. Opérateur : D. Sourensky. Musique : Dimitri et Danil Pokrass. Assistante de l’auteur : E. Svilova. Texte des chansons : V. Lébédev-Koumatcha. Production : Soïouzhkinokhronika. 7 bobines, 1622 mètres.

Le souvenir de Serge Ordjonikidze. Scénario, montage, réalisation : Dziga Vertov, E. Svilova. Production : Soïouzhkinokhronika. 2 bobines. Film de montage.

Serge Ordjonikizde. Réalisation : Dziga Vertov, E. Svilova, Ia. Bliokh. Opérateurs : M. Ochourkov, I. Béliakov, V. Dobronitsky, Soloviev, Adjibéliachvili. Production : Soïouzhkinokhronika. 5 ou 7 bobines. Film de montage.

1938 Gloire aux héroïnes soviétiques. Réalisation, scénario : Dziga Vertov. Co-réalisation : E. Svilova. Production : Soïouzhkinokhronika. 1 bobine.

Trois héroïnes. Scénario, réalisation, montage : Dziga Vertov, assisté de Svilova. Chef-opérateur : Semenov. Opérateurs des studios de documentaires de Moscou, Khabarovsk et Novossibirsk. Musique : D. et D. Pokrass. Texte des chansons : P. Lébédev-Koumatacha. Production : Soïouzhkinokhronika. 7 bobines. Les femmes et la défense militaire.

1939-1940 En 1939 Vertov réalise des actualités pour l’Exportation (au moins six numéros dans les premiers mois de l’année). Sixième numéro : L’U.R.S.S. sur l’écran.

Projets de films ou scénarios non réalisés : Les Kolkhoziens du village Kandybina, Maman va dans le ciel, Galerie des femmes soviétiques, La jeune fille qui joue du piano, Dans la ville natale, Hors programme, Contes es Géants (film pour enfants, en collaboration avec Illine et E. Segal), Quand tu es parti pour la guerre, L’hommevolant. Etc.

1941 La hauteur A Scénario, réalisation : Dziga Vertov et E. Svilova. Opérateurs : Bounimovitch, Kasatkine. Production : Studio Central d’Actualités.

Sang pour sang. Scénario, réalisation, montage : Dziga Vertov et E. Svilova. Production : Studio Central d’Actualités. 1 bobine. Film sur les attaques aériennes, terminé le 16 octobre. Filmé au front par les opérateurs de guerre. Fut détruit lorsqu’on en utilisa des extraits pour le documentaire Ukraine.

Sur la ligne de feu - les opérateurs d’actualités. Scénario, réalisation, montage : Dziga Vertov et E. Svilova. Opérateur : Vikhirev. Production : Studio Central d’Actualités.

Ces trois ciné-reportages de guerre sont publiés dans le journal d’actualité Soyouz Kino Journal.

1942-1944 Comme beaucoup d’autres cinéastes soviétiques, Dziga Vertov et Svilova ont été repliés en Asie Centrale, à Alma Ata (Kazakhstan) où des studios ont été aménagés au début de la guerre.

Il y réalise : 1942-1943 Toi au front ou Sur le front du Kazakhstan, " Ciné-poème ". Auteur-réalisateur : Dziga Vertov. Co-réalisation : E. Svilova. Opérateur : B. Poumpiansky. Musique : G. Popov, V. Vélikanov. Texte des chansons : V. Lougovsky. Production : Studios d’Alma Ata. 5 ou 6 bobines.

1944 Dans la montagne Ala-Tau Réalisation : Dziga Vertov, E. Svilova. Opérateur : B. Poumpiansky. Production : Studios d’Alma-Ata. 2 bobines.

L’art soviétique. Réalisation : Dziga Vertov, E. Svilova. Opérateur : B. Poumpiansky. Reportage sur une exposition.

Projets non réalisés pendant cette période : Le grain (les semences soviétiques dans la Guerre Nationale), Le serment des millions (ou Le serment des jeunes), Galerie de ciné-portraits, L’Amour pour les hommes, La petite Anna, Moi aussi je suis docteur.

A partir de 1944 Vertov travaille pour le journal d’actualités soviétiques Novosti Dnia (Nouvelles du jour), à qui il apporte des idées et sujets, parfois réalisés par lui. Il réalise les numéros suivants : 1944 : 18. 1945 : 4, 8, 12, 15 ,20. 1946 : 2, 8, 18, 24, 34, 42, 67, 74. 1947 : 6, 13, 21, 30, 37, 48, 51, 65, 71.

1947 Le serment de la jeunesse. Réalisation : Dziga Vertov, E. Svilova. Opérateur s : Béliakov, G. Amirov, B. Borkovsky, B. Démentiev, Semenov, Kositsine, E. Stankévitch. Production : Studio Central de Documentaires. 3 bobines.

1947-1954 Collaboration au ciné-journal Novosti Dnia. Il réalise les numéros suivants : 1948 : 8, 19, 23, 29, 34, 39, 44, 50. 1949 : 19, 27, 43, 45, 51, 55. 1950 : 7, 58. 1951 : 15, 33, 43, 56. 1952 : 9, 15, 31, 43, 54. 1953 : 18, 27, 35, 55. 1954 : 31, 46, 60.

Il rédige divers souvenirs et autobiographies restées alors inédits, tels que Sur la voie créatrice (1945-1946), Journal, Autobiographie (1949), etc.

Il participe en mai 1946 à une discussion sur le cinéma documentaire. Fin 1953 il se sait atteint d’un cancer. Il meurt le 12 février 1954 à Moscou.

Cliquez ici pour revenir à la page principale